A partir d'un historique des recherches financées par l'Agence nationale de recherches sur le VIH et les hépatites virales (ANRS, France) en Afrique, se mettent en lumière les modalités politiques, internationales scientifiques et relationnelles qui montrent comment les « petites histoires » entre partenaires français et africains construisent la « grande histoire » de la recherche sur le sida en Afrique. En confrontant d'une part, les objectifs de quelques projets de recherche construits sur les bases d'un partenariat entre des scientifiques du Nord et des partenaires (scientifiques et/ou institutionnels en Afrique), et d'autre part, les résultats les plus emblématiques de ces recherches, se révèle la combinatoire entre « évidences scientifiques » et action publique. Deux pays illustrent notre argumentaire : le Cameroun et le Sénégal.
Au-delà de la commodité de l'idiome « Nord-Sud », nous proposons de montrer, sur la base des séquences et des résultats de projets virologiques d'une part et opérationnels d'autre part que les réseaux « ANRS », comme d'autres, incarnent des outils et des instruments de l'action publique transnationale. L'ANRS fait figure ici « d'agence d'ajustement » des standards émis au niveau des organisations internationales (OMS, ONUSIDA, Fonds mondial, etc.).
Dans les deux pays, les résultats des recherches sont publiés au plus haut niveau international ; dans un cas (le Sénégal) ils donnent lieu au réaménagement relativement rapide de l'action publique contre le sida, dans l'autre (le Cameroun), cette conversion de la recherche vers les politiques publiques est plus aléatoire. Cette comparaison permet de proposer une homologie théorique inédite entre les travaux menés aux Etats-Unis dans les années 1930-1940 (les Policy sciences, les Government studies), sous l'impulsion et l'urgence du New Deal de Roosevelt mené aux Etats-Unis dans les années 1930-1940. [...]